mardi 29 novembre 2011

Monsieur Leguignon Lampiste, avant l'Abbé Pierre...



Il y a quelques jours j'ai eu l'occasion de présenter un film méconnu à la Cinémathèque de Grenoble, dans le cadre d'un cycle consacré à la ville. Cette comédie sans prétention est l'un des rares documents que nous ayons sur les taudis français d'après-guerre.

Monsieur Leguignon (Yves Deniaud) est « lampiste » à la SNCF, il est expulsé de son logement et relogé dans une masure qui servait de quartier général à une bande de gosses. La maison dissimulait un trésor dont la propriété, puis l’usage, va diviser les habitants du quartier avant qu’ils ne décident de s’unir pour construire un immeuble décent. C’est alors que Leguignon se fait embobiner par un promoteur immobilier qui dilapide l’argent des futurs copropriétaires et lui fait endosser la responsabilité de ses malversations. Heureusement, durant son procès, le pauvre Leguignon est disculpé in extremis et l’immeuble pourra être construit.
Ce film étonnant devait avoir une résonnance particulière pour les spectateurs des années 50 encore en proie à la terrible crise du logement consécutive aux désastres de la guerre. Leguignon apparaît ici comme une sorte d’Abbé Pierre laïc, victime des margoulins de l’immobilier. Le personnage réapparut à l’écran dans un second volet de ses aventures intitulées Monsieur Leguignon guérisseur malgré lui en 1954, également réalisé par Maurice Labro. Le nom du personnage, associé à « la guigne », la malchance, est aussi une référence à un poème de Baudelaire décrivant le travail d’un Sisyphe contemporain.
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Monsieur Leguignon lampiste, malgré ses incommensurables défauts devrait être vu et revu, comme un document sur la crise du logement et sur les débuts de jeunes comédiens appelés à de belles carrières.

Les films d'Audiard furieusement Pop



Que resterait-il de la « culture pop » française sans les films d’Audiard ? Ce n’est pas le moinre des paradoxes de l’oeuvre de ce réalisateur qui déclara posément dans une interview qu’il se fichait complétement de la culture des jeunes à qui il « ne tendait pas la main ». Quelques séquences de ses films sont pourtant au nombre des rares témoignages visuels que nous avons de cette période d’exubérance créatrice dans le domaine de la musique, de la mode ou du design.
Une séquence du Pacha est particulièrement chère au cœur des amateurs de musique française des années soixante et soixante-dix. Serge Gainsbourg, vêtu d’une impeccable veste à col Mao, enregistre Requiem pour un con sous le regard impassible de Jean Gabin. On danse également beaucoup sur des musiques pops dans les films du tandem Lautner – Audiard, dans les soirées organisée par Patricia dans les Tontons flingueurs ou chez le chef de gang britannique dans Ne nous Fachons pas.
Les héroïnes des films d’Audiard réalisateurs sont vêtues à la dernière mode des années 60 et 70. Le couturier Jean Barthet, qui possédait alors une maison de coutûre très en vue à Paris et « habillait les vedettes », a conçu la garde-robe très pop de Michèle Mercier dans une Veuve en or, en particulier cette robe argentée qui avait parait-il tendance à se déchirer au moindre mouvement de la comédienne. Marlène Jobert dans Les Canards… et Mireille Darc dans Elle cause pas… portent des vêtements conçus par les ensembliers du film comme des pastiches de la mode du moment, de Courrège à Saint-Laurent et sa célèbre collection Pop-Art.
Mais c’est principalement le décor des appartements de Rita (Marlène Jobert) et Francine (Mireille Darc) qui appartient à l’univers design des années pop. Il ne leur manque aucun acessoire, des posters géants aux lampes à huiles colorées, des rideaux en métal argenté ou chaise Knoll, du cuir blanc à la moquette colorée…
Mireille Darc, en total-look pop, cuissarde de plastique blanc et minijupe orange, s’offre même le luxe de posséder une Quasar Unipower, un véhicule cubique, aux allures d’aquarium à roulette, conçu sur une base de Mini Cooper par le designer Quasar Khanh.
Pop vous dis-je !