vendredi 6 janvier 2012

Audiard voulait adapter Céline avec Godard...


Cela aurait été sans doute le film le plus extravagant de l'histoire du cinéma au XX° siècle : "Le voyage au bout de la nuit", adapté par Michel Audiard du roman de Louis-Ferdinand Céline et réalisé par Jean-Luc Godard...
Michel Audiard, grand lecteur, était un admirateur de l’œuvre de Céline qu’il avait découvert avant-guerre. Il déclara à plusieurs reprises ce qu’il lui devait. Il partageait cette admiration avec la plupart de ses amis comédiens ou scénaristes. Jean Gabin, à qui il reprochait d’avoir une pratique culturelle se limitant à la lecture quotidienne de l’Equipe, lui récita un soir des pages entières du Voyage au bout de la nuit. L’acteur avait d’ailleurs rencontré Céline lors d’une traversée de l’Atlantique sur le paquebot le Champlain en route vers New York vers 1937.
Audiard eut lui aussi l’occasion de rencontrer Céline alors très âgé, grâce à l’entremise de Marcel Aymé durant le tournage de Garou Garou le passe-muraille, ll le trouva « amer et revenu de tout ». A l’époque il constatait : « Je ne conteste pas que Céline ait été antisémite, mais Céline était tellement anti-tout et pour commencer tellement anti-Céline, qu’il ne pouvait pas ne pas être aussi antisémite. C’était un anarchiste à l’état pur. »
Pendant toute sa carrière Audiard eut le projet d’adapter le Voyage au bout de la nuit. Il n’était pas le premier, dès 1933 Abel Gance avait pris une option sur les droits d’adaptations du livre. Claude Autant-Lara y songea lui aussi, Céline lui-même se rendit à Hollywood pour signer une option avec un studio américain… En 1963 Audiard se lance dans un premier projet, il imagine Jean-Paul Belmondo dans le rôle de Bardamu et Shirley Mc Laine en Molly. Il pense même confier la réalisation du film à Jean-Luc Godard, affirmant qu’il était le seul réalisateur « ayant une bonne connaissance de l’écrivain, de son style, de son souffle et de sa pensée ». Le tournage devait débuter en mars 1968, mais cette improbable rencontre n’eut pas lieu. Aucun producteur ne souhaita mettre de l’argent dans ce projet fou associant un écrivain polémique, un réalisateur imprévisible et un scénariste ayant encore la réputation d’être un simple « rigolo ».