mardi 28 juillet 2020

Audiard collabo, je fais mon mea culpa

J'avoue, mon "Intégrale Michel Audiard", publiée chez Hors Collection en 2012, contient une énorme bêtise et fait l'impasse sur une vérité dérangeante. Voilà comment j'ai raconté les débuts d'Audiard dans le journalisme...

"Mais comment un livreur de journaux, titulaire du certificat d’étude, coureur cycliste amateur, peut-il en quelques mois devenir un scénariste de film à succès ?

Une rencontre, un peu de culot et beaucoup de talent.
Audiard, le petit livreur, fréquentait les journalistes des quotidiens qu’il distribuait, il passait ses fins de nuit à plaisanter, à les regarder vivre et travailler. Un jour, l’un d’entre eux, un dénommé Gaston Servant, se plaignit en sa présence de ne pas pouvoir écrire une ligne d’un article urgent, Audiard, en quelques heures lui griffonna un texte bien tourné. Le petit cycliste fut aussitôt engagé à l’Etoile du Soir. C’est pour ce quotidien qu’Audiard se livra à une pitrerie qu’il a souvent raconté, que ses amis ont souvent enjolivé, et qui reste aujourd’hui encore un des plus merveilleux canulars de l’histoire de la presse écrite. Nommé « correspondant du quotidien en Chine » où il prétendait avoir séjourné avant guerre, il écrivit de longs articles sur les démêlés entre Tchan Kai Chek et le jeune Mao Tse Toung sans quitter les bistros du XIV°. L’imposture ne dura pas longtemps, mais elle est digne d’un « film d’Audiard », on comprend l’aisance du scénariste à imaginer des personnages de margoulins"

Eh bien tout est faux ou presque...
Comme l'ont raconté depuis les journalistes de la revue Temps Noirs, durant l'occupation, le jeune Audiard a collaboré à la rédaction de revues collaborationnistes, comme L'Appel, où il décrivait des personnages juifs d'«une veulerie suante»,  répandant «une odeur de chacal», affirmant qu'ils étaient «une synthèse de fourberie» et participait à une «conjuration des synagogues».  Ces véritables débuts dans le journalisme ne sont pas le fruit du hasard, mais le résultat d'un choix politique nauséabond.

Je plaide non coupable, la plupart des autres auteurs ayant raconté la vie du dialoguiste s'y sont laissés prendre aussi. Pour ma part je n'écrirais jamais plus à son sujet.

Audiard est aussi à l'origine d'un autre de mes souvenirs cuisants d'auteur.
En 2012 j'ai publié chez City un assez joli livre, plutôt mieux que la production moyenne, intitulé "Le monde des Tontons flingueurs", dans lequel je décryptais ce qu'il y a encore à décrypter dans l'oeuvre...
Mon plaisir fut gaché par une grosse coquille sur la couverture où figurait un sous-titre annonçant que le livre allait traiter de "l'univers de Jacques Audiard". Jacques et non Michel ! Je n'avais rien vu et découvris en direct la bévue lors d'une table ronde organisée au salon du livre de Saint-Etienne.