mercredi 16 septembre 2009

Le Sphinx


Une de mes camarades vient de me raconter une curieuse histoire : sa grande tante était "tenancière" de bordel.

Et pas n'importe lequel : Le Sphinx !

L’un des célèbres bordels de l’entre deux guerres se reconnaissait à la façade d’inspiration évidemment égyptienne. L’établissement, qui se prétendait « Américan bar » ouvrit ses portes le 24 avril 1931, à l’emplacement jusqu’alors occupé par un enclos appartenant à un marbrier funéraire. Le sous-sol était en communication directe avec les catacombes.
L’établissement fut longtemps dirigé par Martoune. Le rez-de-chaussée de l’immeuble était occupé par un débit de boisson et un salon, les chambres se trouvant à l’étage. Le principal ornement de l’établissement était sa décoration égyptienne. Un pharaon, aux jambes largement écartées attendaient la clientèle. On pouvait y rencontrer le gratin artistique de l’époque : Kisling, Youki Desnos, Kiki de Montparnasse, Foujita, mais aussi Joseph Kessel, Pasquin, Georges Simenon, Francis Carco, Blaise Cendras ou Alexandre Breffort, l’immortel inventeur d’Irma la Douce. Mais on pouvait également y croiser des personnages moins reluisants, comme Romano, un fils de Mussolini ou l’escroc Stavisky, les gangsters Spirito et Carbone, les modèles de Borsalino. Dans ses mémoires Martoune prétendit qu’elle avait eu Eva Braun pour cliente et que Hitler lui même « faillit venir » lors de sa visite à Paris en juin 1940. L’établissement étant ouvert aux dames, sans qu’elles aient le droit de monter, on pouvait également y croiser la Miss ou Marlène Dietrich. On prétendit qu’un ministre en était actionnaire. Léon Daudet, le Canard Enchaîné et la plupart des journaux satiriques affirmaient en cœur qu’Albert Sarraut aurait mis un peu d’argent dans l’affaire ce que démentit timidement la police. En 1962, le rendez-vous des artistes et des personnalités politiques des années trente fut abattu, sans le moindre respect pour les fresques de Van Dongen, par des bulldozers inconscients de leur forfait.