mardi 9 juin 2020

l'Art de la paresse

Lorsque j'ai publié mon Art de la paresse chez City en 2009, je souhaitais sans doute démontrer que j'aurais pu faire un théologien tout à fait acceptable...
En témoigne ce petit couple sur les péchés capitaux.

"Les péchés capitaux ne furent pas toujours sept, et la paresse ne fut pas toujours du nombre. Les occasions d'évoquer la carrière d'amuseur de l’impayable Evagre le Pontique sont trop rares pour s'en priver. Ce moine barbu vécut dans le désert égyptien où il passa une partie de son temps à participer à ce que l'histoire qualifia plus tard – pour s’en moquer – des "querelles byzantines". On ne dira jamais assez à quel point ces débats portant sur des points secondaires de la doctrine chrétienne paraissent sidérants de cocasserie aujourd'hui. On savait rire en ce temps ! Mais ce serait oublier que certains de ces points de détails de l'histoire ou de la nature du Christ furent l'occasion de querelles sanglantes, d'excommunication et de schismes.
Evagre en pinçait par exemple pour les thèses concernant l'Apocatastase universelle, une théorie selon laquelle il fallait s'attendre à un post-jugement dernier, après lequel l'enfer lui même disparaîtrait tandis que nous redeviendrons tous des anges, comme avant la création.
Entre deux querelles concernant la nature de l'âme du Christ, Evagre rédigea vers 350 une première liste de péchés impardonnables, qu'il dénommait des « passions » :
La gastrimargia (tout ce qui a rapport avec la bouche et la consommation : boulimie, gourmandise, alcoolisme, anorexie, bavardage …)
La philarguria (avarice),
La pornéia (l'obsession sexuelle),
L’orgé (la colère),
La lupé (la tristesse),
L’acédia (la dépression à tendance suicidaire),
La kénodoxia (la grosse tête),
L’upérèphania (le délire schizophrénique).
Selon le théologien, toutes nos actions négatives étaient causées par l'une ou l'autre de ces "passions", voire par la conjonction de plusieurs d'entre elles. Notons que le père Evagre était un précurseur de la psychanalyse, mais surtout qu'il n'avait pas encore mis la paresse dans sa liste. Encore que ! Quelques exégètes affirment qu'elle s'y trouve dissimulée sous le masque de l'acédie, la dépression."

Bizarrement, ce livre sans trop d'importance me valut de participer à une émission très sérieuse de Radio Notre Dame...