lundi 10 août 2009

Dix lieux du crime à Paris...




Le crime fleurit à Paris… Voici dix « lieux du crime », des crimes bien réels, la fiction attendra.

1 / La mangeuse d’hommes, rue Courtalon
La petite rue Courtalon fut le théâtre d'un horrible fait divers en 1864. La police enquêtait sur la disparition d'une vingtaine de jeunes gens quand elle découvrit un odieux trafic. Une bande organisée assassinait des hommes de bonne constitution avant d'embaumer leur cadavre pour les vendre en Allemagne à des étudiants en anatomie…Les victimes étaient attirées dans un guet-apens par un délicieux appât, une jeune prostituée du quartier qui usait de ses charmes.
En 1995, dans son film l'Appât, Bertrand Tavernier rapportait l'histoire contemporaine et bien réelle d'une jeune femme du quartier attirant des proies masculines pour les détrousser après les avoir horriblement assassinées…

2 /Le dernier crime de Lacenaire, 66, rue Montorgueil
Dans ses mémoires, publiée au Mercure de France en 1986, Louis Canler, chef de la Sûreté de 1797-1865, raconte qu’un individu « se rendait rue du Faubourg-Poissonière, 50 et chargeait MM. Maigre-Morstadt et Mallet banquiers, du recouvrement de deux traites au domicile du sieur Mahossier, rue Montorgueil, N°66. Le 31 décembre [1834], le sieur Genevey, âgé de dix-huit ans, garçon de recette de cette maison de banque, se rendait vers trois heures et demie de l’après-midi, au domicile indiqué… » C’est un piège, le prétendu Mahossier n’est autre que Lacenaire. Né le 20 décembre 1803, fils d’une bonne famille lyonnaise, élève du petit séminaire d’Alès, il avait sombré peu à peu dans la délinquance, avec pour objectif la réalisation d’une prévision faite par son père « tu finiras sur l’échafaud ».
Après quelques menus délits et quelque séjours en prison, il assassine son complice, un dénommé Chardon et sa mère. Mais c’est le « crime de la rue Montorgueil, qui va le rendre célèbre. En compagnie de son complice Avril, qui le dénoncera, il tente d’égorger le garçon payeur pour s’emparer de sa sacoche. Mais la victime réussit à s’échapper, Lacenaire est arrêté, condamné à mort et emprisonné à la Conciergerie… où il s’atèle à la rédaction de ses mémoires. L’assassin poète devient alors une vedette des médias, ce qui ne l’empêche pas d’être guillotiné au petit matin du 9 janvier 1836 à la barrière Saint-Jacques.

3 / Ils ont tué Jaurès, Café du Croissant - 146, rue Montmartre
Jean Jaurès, le leader socialiste, est assassiné à la veille du déclenchement de la Première Guerre Mondiale, le 31 juillet 1914, sur une table du café du Croissant, par un certain Raoul Villain qui considérait sa victime comme un pacifiste, et donc un traître à la Patrie.
Le Café du Croissant, où l'emplacement de l'assassinat est désigné par une plaque. Mais « le marbre de la table du café du Croissant, sur laquelle fut assassiné Jean Jaurès », est conservée dans le hall de la mairie de Champigny-sur-Marne. M. Wiedner, alors propriétaire du café, en avait fait don à la municipalité le 7 octobre 1937. Quant au corps du tribun socialiste, il a été transféré au Panthéon le 23 novembre 1924.

4 / Assassinat d'un Prince 47, rue Vieille-du-Temple
Le 23 novembre 1407, Louis d’Orléans, fils du roi Charles V et frère de Charles VI, mourrait assassiné sous les coups du spadassin Raoul d’Octonville, engagé par le duc de Bourgogne Jean sans Peur. Il s’agit de l’épisode le plus tragique de la guerre civile qui opposa les différents prétendants à la succession de ce pauvre Charles VI, le roi fou, dont les absences avaient laissé libre court aux ambitions des membres de sa famille. La mort du duc d’Orléans allait être la cause du déchaînement d’une guerre civile entre le parti des Bourguignons et des Armagnac, fidèles du duc assassiné.
Mais le crime n’avait pas que des raisons politiques. Louis d’Orléans passait pour un prince libertin, collectionnant les maîtresses et conservant leurs portraits dans l’une de ses résidences. Le jour du drame il sortait de l’hôtel Barbette où il avait soupé – et peut-être un peu plus – avec la Reine Isabeau de Bavière, sa belle-sœur…

5 / Les "pâtés à l'homme" du boulanger tueur Rue Chanoinesse
En 1387, rue des Marmousets, à l'emplacement de l'actuel Hôtel Dieu, une association étrange se constitua entre deux commerçants. Un barbier égorgeait ses victimes avant de les faire basculer dans une trappe qui les envoyait dans le sous-sol d'une pâtisserie, où son voisin les transformait en pâtés… Les criminels furent dénoncés par les aboiements d’un chien appartenant à un étudiant bavarois. L’animal attendait son maître devant l’échoppe du barbier, et hurlait à la mort, inquiet de ne pas le voir sortir…
Une autre version de l'histoire affirme que ce personnage indélicat farcissait ses pâtés avec de la chair de pendus. "Le pâtissier de la rue Marmouset" resta longtemps l'un des personnages parisiens utilisé par les parents pour faire peur aux enfants, notre père fouettard local.

6/ Un prêtre fou assassine l'Archevêque Eglise Saint-Étienne du Mont
Le 3 janvier 1857, l’empereur Napoléon III dût renoncer à se rendre au théâtre de la Gaîté pour assister à une représentation de la « Fausse adultère » car une terrible nouvelle bouleversa Paris. Les fidèles rassemblés dans l’église Saint-Etienne du Mont n’en sont sans doute toujours pas revenus. Un prêtre, Vergès, s’est précipité sur l’archevêque Mgr Sibour et l’a poignardé au cri de « à bas la déesse ». Il s’agissait de la dramatique résolution d’une querelle théologique. L’assassin protestait ainsi contre le dogme de l’immaculée conception que ce prêtre, légèrement dérangé il est vrai, assimilait à une forme de retour au paganisme. Le prêtre assassin fut condamné à mort et exécuté moins d’un mois plus tard devant la prison de la Roquette.

7/ Le cadavre dans la malle, 3, rue Tronson du Coudray
Pendant quelques décennies une expression apparut régulièrement dans les articles traitant de faits divers criminels : « c’est une malle à Gouffé ». Cet Augustin Gouffé - dont le patronyme était devenu synonyme de « cadavre enfermé dans une malle d’osier » - fut la victime d’un couple d’assassins aussi peu reluisants que peu banals. Le 26 juillet 1889, dans un immeuble en fond de cour, Gabrielle Bompard – qui se fait appeler Madame Labordière – et son complice Michel Eyraud ont tendu un guet-apens à un huissier de la rue de Montmartre qui croit venir à un rendez-vous galant.
Il tombe dans un piège horrible. A peine arrivé, Gouffé est assailli par Eyraud qui lui passe une corde au cou et le pend à l’aide d’une potence improvisée… Le cadavre, détroussé de tout ce que ses poches contenaient comme argent et objet précieux, puis dénudé, est cousu dans un sac de toile et jeté dans une malle d’osier. Les deux « amants criminels » commettent alors un geste absurde qui va faire entrer leur victime dans la légende du crime : il emmène le cadavre en bagage accompagné au cours d’un long voyage en chemin de fer vers la Côte d’Azur. Mais arrivé à Lyon ils doivent se rendre à l’évidence : leur victime commence à se signaler par son odeur… Ils vont alors la jeter près du village de Tour-de-Millery, près de Lyon. Commence alors la seconde partie de l’affaire qui verra le triomphe des méthodes de médecine légale du professeur Lacassagne qui identifie Gouffé à partir de sa dentition.

8 / L'affaire Caillaux 26, rue Drouot
La femme du ministre des finances abat le directeur du Figaro !
Un tel faits-divers semblerait aujourd’hui tout à fait extravagant. C’est pourtant ce qui s’est passé ici le 26 mars 1914. Excédée par les calomnies dont elle estime que le quotidien se rend coupable à l’égard du ministre Joseph Caillaux, son épouse Henriette décide d’en finir avec Gaston Calmette directeur du journal. Depuis quelques semaines le Figaro accuse jour après jour le ministre des finances de « négociations secrètes » avec l’Allemagne.
La criminelle est acquittée le 28 juillet 1914, alors même que l’Autriche-Hongrie déclare la guerre à la Serbie. En revanche, en 1920, l’ex ministre Joseph Caillaux est condamné pour son « pacifisme de trahison », avant d’être amnistié en 1925.

9 / Troppman le tueur d'enfants, 12, boulevard de Denain
Le Second Empire s'achève, et la France découvre avec horreur une série de crimes particulièrement abjects. En septembre 1869, dans un terrain vague de la commune de Pantin, au pied des fortifications, un agriculteur découvre les cadavres de six enfants et d'une femme. L'enquête permet rapidement de démontrer qu'il s'agit de la famille Kinck, dont le père, Jean Kinck, un industriel roubaisien a lui aussi été assassiné en Alsace.
L'auteur des crimes est arrêté au Havre alors qu'il s'apprêtait à embarquer sur un paquebot en route vers l'Amérique. C'est alors que l'on découvrit qu'après sa série de meurtres, il s'était dissimulé à Paris sous l'identité de l'une de ses victimes, Jean Kinck, dans cet hôtel de la rue de Denain qui s'appelait encore l'Hôtel du Chemin de Fer..

10 / Le petit-fils d’Alphonse Daudet assassiné ? 126, boulevard Magenta
La mort de Philippe Daudet, le 24 novembre 1923, à l'arrière d'un taxi face au 126 boulevard Magenta, agita durablement la classe politique française. Philippe est certes le petit-fils de l'écrivain Alphonse Daudet, mais il est surtout le fils de Léon Daudet, homme politique et polémiste d'extrême droite. L'enchaînement des évènements reste assez confus. Philippe, en fugue du domicile familial, se serait présenté l'avant veille dans les locaux du quotidien anarchiste le Libertaire en prétendant vouloir commettre des attentats contre le Président du Conseil et le Président de la République. Il réitère ses déclarations devant un ami du romancier Léo Malet, le libraire anarchiste Le Flaouter, par ailleurs indicateur de police, qui prévient aussitôt la Sûreté.C'est à la suite de ces troubles prémices que l'on retrouve Philippe Daudet à l'arrière d'un taxi, le crane fracassé par une balle de revolver. La police conclut au suicide, mais Léon Daudet s'insurge, accuse de meurtre le chauffeur de Taxi Bajot, la Sûreté et les anarchistes, voire les trois à la fois. Ce qui lui vaut un procès en diffamation de la part du chauffeur de taxi, d'être condamné, emprisonné à la Santé et de s'en évader dans des conditions rocambolesques - ses amis des Camelots du Roi ayant manipulé les lignes téléphoniques du ministère de la justice.

Pour en savoir plus:
Paris, Fais nous peur, Marc Lemonier & Claudine Hourcadette, Editions Bonneton, 2009