vendredi 28 août 2009

« Nous irons à Deauville » voir la France de 1962…




Thierry Paquot à propos de l’un de mes précédents livres – Guide des lieux cultes du cinéma en France, Horay 2005 –, affirmait dans la revue Urbanisme que pour le cinéphile amoureux des villes « il n’y a pas de petits films ». Même le plus bâclé des nanards, le pire des représentants du « cinéma bis » français - l’un des sujets de ce Blog du « Bis Art » - a quelque chose à nous apprendre ou à nous montrer…

Honte à moi, l’une de ces merveilles m’avait échappé ! Nous irons à Deauville de Francis Rigaud, produit par Ray Ventura en 1962, est quasiment un modèle du genre. Intrigue réduite à sa plus simple expression, metteur en scène absent… reste une succession de petits sketchs hilarants s’enchaînant tant bien que mal : Michel Galabru en amateur de camping refusant de quitter sa tente noyée par un orage, tel un capitaine au milieu des tempêtes, Claude Brasseur et Michel Serrault, deux amis apparemment bien tentés par l’échange de leurs épouses – dont la magnifique Pascale Roberts -, Jean Carmet en livreur raisonneur et débordé, Jean Richard en électricien feignant, gourmand et libidineux, sans oublier Roger Pierre er Jean-Marc Thibault interprétant deux quincaillers homosexuels poussant à l’achat de bassines en inox… Et puis il y a De Funès, vacancier irascible, professeur de pâté de sable et de dressage de chien, colérique et malveillant, ce qui lui vaut d’ailleurs un sévère rappel à l’ordre par Eddy Constantine en personne.

Mais le personnage central du film n’appartient pas à cette troupe déchainée : Deauville !

Ou plus exactement l’irruption à Deauville d’une nouvelle catégorie de vacanciers et même de français, les « cadres », la petite bourgeoisie des usines, louant des villas miteuses à des vieilles dames désargentées pour avoir le plaisir de connaître eux aussi les joies des célèbres planches, du Casino, de l’hippodrome et du « club de la Mer », où Sacha Distel passe en voisin. « Nous irons à Deauville », c’est Les Vacances de Monsieur Hulot, avec dix ans de plus et le génie en moins : l’intrusion des nouveaux vacanciers dans un univers jusqu’alors réservé aux oisifs. Le « grand monde », y est représentée par une richissime italienne qui, lorsqu’on lui annonce qu’il faudra faire la vaisselle à la fin d’une soirée improvisée déclare, très émoustillée : « C’est un coup à tenter ! »

Et puis il y a évidemment le décor. La Normandie en 1962 ! Quelques plans filmés sans doute par inadvertance, ont valeur de quasi documentaire, les planches et les parasols, la gare des autobus normands, l’hôtel du golf, l’embouteillage au carrefour des routes menant à Deauville et à Trouville… Nous irons à Deauville ? C’est un coup à tenter !